Collectif national pour les droits des femmes

Autonomie emploi précarité

EGALITE PROFESSIONNELLE : UN PAS EN AVANT, DEUX PAS EN ARRIERE

lundi 11 mai 2015

Réaction du Cndf

Au mois de janvier dernier, les négociations sur le dialogue social entre patronat et syndicats échouaient.
Le gouvernement reprenait alors la main et présentait au conseil des ministres, le 22 avril, un projet de loi sensé être la grande réforme sociale du quinquennat.
Celle ci comporte des mesures phares telles que l’instauration de commissions régionales paritaires pour assurer la représentation des salariés des très petites entreprises de moins de onze salariés, l’élargissement de la délégation unique du personnel (DUP), regroupant le comité d’entreprise, les délégués du personnel et le CHSCT aux entreprises de moins de 300 salariés – contre moins de 200 aujourd’hui ou de nouveaux droits accordés aux élus (délégués syndicaux, du personnel), au sein de l’entreprise.

Comme fréquemment depuis 2012 sous la gauche, le gouvernement concède certains points pour mieux en faire passer d’autres très malfaisants, répondant aux demandes du patronat, et quelque fois quasiment en contrebande.
Ce qui amène les syndicats, et notamment les plus combatifs, tout en reconnaissant certaines avancées, à avoir une réaction très très mitigée. La CGT parle de « premiers pas », « d’avancées limitées » mais dénonce, entre autres, l’affaiblissement des capacités d’intervention des CHSCT, l’affaiblissement des instances représentatives du personnel, les négociations annuelles, dont salariales, obligatoires qui n’auront plus lieu que tous les 3 ans, etc. et exprime un avis défavorable.

Alors que le projet de loi se targue de vouloir favoriser une « représentation équilibrée des femmes et des hommes » parmi les représentants du personnel », sans jamais interroger d’ailleurs en terme de double journée de travail le peu d’appétence des femmes et prévoir des mesures d’accompagnement, le projet de loi supprime très précisément les articles L2323-47 et L 2323-57 du Code du travail qui traitent d’un « rapport écrit sur la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes dans l’entreprise. » Les données se réduiront désormais à la production « d’informations et d’indicateurs chiffrés » (article 2323-17), non standardisées donc.
Ce rapport a été instauré par...la loi Roudy de 1983 sur l’égalité professionnelle, renforcée en 2001. Établi à partir « d’indicateurs pertinents », il vise à dresser un état de la situation respective des femmes et des hommes sur les conditions générales d’emploi et de formation. Il doit être suivi d’un plan d’action « destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. »
Ce rapport doit servir de base d’appui à l’élaboration d’un accord sur l’égalité professionnelle ou à défaut au plan d’action très précis précédemment cité.
La loi, depuis 2010, prévoit des sanctions financières (jusqu’à 1% de la masse salariale) en l’absence d’accord ou de plan d’action. La loi du 4 août 2014 rajoute à ces sanctions financières l’impossibilité de soumissionner à un marché public. Le projet de loi ne fait plus mention de la pénalité financière !

Dans les faits, il faut savoir que ce rapport ne concerne pas les entreprises de moins de 50 salariéEs, là où les femmes sont massivement concentrées, dans les entreprises du commerce notamment. Dans les faits aussi, selon le rapport de Brigitte Grésy de 2009, 45 % seulement des entreprises soumises à l’obligation d’établir un rapport de situation comparée s’y conforment. Dans les faits enfin, bien peu d’entreprises ont été sanctionnées.
Ce rapport a été utile surtout dans certaines grandes entreprises, soucieuses de soigner leur image de marque.
Mais supprimer cet instrument (et sans doute la pénalité financière qui va avec), si peu utilisé et peu efficient soit-il, est un très mauvais signal envoyé quant à l’égalité femmes/ hommes. Aller vers plus d’égalité signifie bien au contraire mettre réellement en œuvre ces mesures et en avoir la ferme volonté politique.

D’autres éléments ne sont décidément pas en faveur de l’égalité dans ce projet de loi.
Il fusionne en trois grands domaines une série de négociations obligatoires au sein de l’entreprise. L’égalité professionnelle se trouve dans le domaine « Qualité de vie au travail » (!!!!) en compagnie des discriminations, de l’insertion des travailleuses et travailleurs handicapé-e-s dans l’emploi, du droit d’expression des salarié-e-s. On peut aussi y ajouter la prévention de la pénibilité. Noyade et dilution assurées pour tout le monde !
Le fait que ces négociations, annuelles à l’heure actuelle, puissent devenir triennales par accord d’entreprise majoritaire nous inquiète aussi évidemment.
On ne sait pas non plus ce que devient, dans les entreprises d’au moins 200 salariés, la commission de l’égalité professionnelle qui doit être créée au sein du comité d’entreprise.

D’autres questions peuvent être posées :
Quid de la valorisation des « parcours militants » pour les salarié-e-s à temps partiel ?
L’affaiblissement du rôle des élus suppléants ne sera-t-il pas préjudiciable aux femmes ?

Bref, on est en droit de s’interroger :
Que visent exactement Manuel Valls et François Hollande ? Pourquoi faire reculer de cette façon l’égalité femmes /hommes au sein des entreprises, alors que les femmes sont les premières touchées par les mesures d’austérité ?
Pour « simplifier et rationaliser » comme le prétend le projet de loi ? Allons donc !
Valls et Hollande cèdent aux sirènes du patronat qui souhaite, dans un rapport de forces qui lui est favorable, se débarrasser des revendications d’égalité.
Ils auront donc la responsabilité d’avoir fait régresser explicitement les droits des femmes.

Le communiqué de presse unitaire :

REBSAMEN JETTE L’ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE À LA POUBELLE !
 
Le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi porté par le Ministre du Travail François Rebsamen prévoit de déconstruire, entres autres, les outils fondamentaux de l’égalité professionnelle entre femmes et hommes.
Les inégalités professionnelles et salariales entre femmes et hommes sont pourtant toujours d’actualité : les femmes gagnent encore 24% de moins que les hommes, leurs carrières sont freinées par la maternité, elles occupent 80% des emplois à temps partiel et restent minoritaires dans les emplois cadres malgré un niveau moyen de formation supérieur aux hommes. Les inégalités salariales sont l’expression de la domination masculine ; elles constituent une violence économique qui rend les femmes plus dépendantes et plus vulnérables.
 
Pourtant, le projet de loi prévoit de supprimer un des outils indispensable à la mesure des écarts entre les femmes et les hommes en entreprise et servant de base à la négociation collective en matière d’égalité professionnelle : le Rapport de Situation Comparée sur la situation des femmes et des hommes d’ entreprise.
Ce rapport instauré dès la première loi sur l’égalité professionnelle de 1983 d’Yvette Roudy est obligatoire depuis la loi de 2001 et a été renforcé par la loi du 4 août 2014 qui durcit les sanctions à l’égard des entreprises hors la loi. En revenant sur cette disposition, le gouvernement actuel, en pleine incohérence, est ainsi le premier à faire marche arrière en matière d’égalité professionnelle.
 
Ces données devant être élaborées par les employeurs en matière d’égalité professionnelle et soumis au comité d’entreprise seront désormais susceptibles de varier d’une entreprise à l’autre, par accord d’entreprise. Le diagnostic identique pour toutes les entreprises deviendra donc un outil à géométrie variable.
L’absence du rapport de situation comparée aura d’autres conséquences graves : Comment les partenaires sociaux négocieront-ils les accords égalité sans données sexuées ? L’instauration de la pénalité envers les entreprises n’ayant pas négocié pourra-t-elle continuer d’être appliquée ? Celle-ci, mise en œuvre en 2012, a permis une certaine augmentation de signatures d’accords collectifs en matière d’égalité professionnelle, or son socle juridique repose sur celui du rapport de situation comparée. A ce jour, beaucoup de doutes existent sur ces deux questions.
 
Le Président François Hollande qui a inscrit l’égalité femmes-hommes comme un enjeu prioritaire de son mandat est donc le premier Président à revenir sur la loi de 1983 en supprimant l’un des principaux outils (insuffisant certes) de l’égalité professionnelle :
– alors même que le 1er mai a été l’occasion de souligner une fois de plus la persistance d’inégalités pérennes entre les femmes et les hommes,
– alors même que le Rapport de Situation Comparée commençait à peine à être intégré et compris par les entreprises,
– alors même que la Loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes venait d’enrichir les indicateurs du rapport de situation comparée,
– alors même que Marisol Touraine et Pascale Boistard, ministres en charge des droits des femmes, se félicitent d’avoir renforcé les sanctions envers les entreprises hors la loi,
– alors même que la loi vient d’étendre ces obligations au secteur public…
 
Comme d’habitude en période de crise, les femmes sont les premières à en subir les conséquences. Sous prétexte de « simplification » des procédures pour les entreprises, ce projet de loi supprime en catimini un des seuls outils concrets pour l’égalité professionnelle.
 
C’est un recul incompréhensible en matière de lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes et le Haut Conseil à l’Egalité a fait part de son inquiétude à ce sujet dans un courrier adressé au Ministre du Travail.
 
Actuellement examiné en commissions, ce texte sera présenté officiellement par le gouvernement lundi 11 mai au Conseil Supérieur de l’Egalité Professionnelle entre les femmes et les hommes. Pour nous, organisations qui luttons au quotidien pour l’égalité, il y a urgence et nous demandons à être entendues : les articles concernant les obligations en matière d’égalité professionnelle doivent être rétablis et la lutte contre les inégalités doit se poursuivre.
 
Osez le féminisme !, Femmes Solidaires, Le Planning Familial, la CGT, Coordination pour le Lobby Européen des Femmes (CLEF), La Barbe, Elu/es Contre les Violences faites aux Femmes (ECVF), Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF), Collectif Féministe Contre le Viol (CFCV), Collectif Les Georgettes Sand, Femmes pour le Dire Femmes pour Agir, FIT une femme un toit, FEMEN, Les efFRONTé-e-s, le CNDF, Macholand, Réussir l’égalité femmes hommes, Élues Contre les Violences Faites aux Femmes, L’Assemblée des Femmes, ATTAC – commission genre, La ligue du droit international des femmes, BPW France, Association Mémoire Traumatique et Victimologie, Association 40 ans de mouvement, Les Chiennes de Garde, Association nationale des études féministes, Réseau Féministe « Ruptures », LibresMarianneS, Féminisme et géopolitique, Association Entraide et Mouvement des Femmes, Féminisme et Géopolitique, SOS Sexisme, Du côté des femmes, Elles aussi, Elles imaginent, L’escale, Femmes Migrantes Debout !, Forum Femmes Méditerranée, GAMS, Le Monde à travers un regard, Voix de Femmes, Rajfire, Résistances de femmes

Voir en ligne : Pétition d’Yvette Roudy

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