Collectif national pour les droits des femmes

Autonomie emploi précarité

A Marseille, les grévistes de Monoprix, article de Judith Martin Razi du Collectif 13 pour les droits des femmes

vendredi 15 octobre 2010

Depuis le 21 septembre dernier, 5 h du matin, onze femmes et quatre hommes sont en grève au Monoprix de la Canebière ainsi que plusieurs autres femmes qui elles appartiennent au Monoprix du Prado à Marseille.

Elles sont pour la plupart des caissières et d’autres sont vendeuses. Parmi elles, des salariées qui ont plus de dix ans d’ancienneté, discriminées parce qu’elles sont déléguées des salariées, mais toutes et tous subissent de fortes pression jusqu’au harcèlement pour l’une d’entre elle.

Cet état de fait s’est installé progressivement il y a deux ans avec l’arrivée de Bertrand Augeras au poste de sous-directeur. Il n’est pas avare d’encouragement envers ses employés lors des réunions matinales que la direction de Monoprix a mise au point sous le jolie nom de « plan Ariane » en l’honneur des fusées. Belle symbolique pour faire décoller les ventes, mais peut-être pas bien géré par le sous-directeur. Ses encouragements sont grossiers, menaçants : « bougez votre cul, autrement vous pointerez aux assedic », une phrase qui lui plaît bien tant elle revient en boucle.

Et pour accentuer la pression, il a fait coalition avec une responsable des caisses. En deux ans, l’atmosphère du travail s’est dégradée à un tel point que certaines caissières ne sont apparemment que victimes d’un délit de faciès au yeux de cette chef. Elle fait une surveillance rapprochée devant la pointeuse, vérifie constamment les temps de pauses sur ordinateur, qui ne sont même pas payées et varient d’une employée à une autre, elle ne ménage pas ses remarques désagréables et refuse systématique des demandes justifiées.

La discrimination est nette puisqu’elle concerne quelques femmes jugées comme fortes têtes par la sous-direction. Le directeur est arrivé, il y a à peine quatre mois, et se retrouve avec une grève sur les bras. Il fait rien. Il y aurait presque de la compassion dans la voix de ces femmes, lorsque je leur ai demandé : « mais que fait-il ? »

Mesquineries : et j’ai vu les fiches de paie.

Karole a systématiquement 1 minute de travail déduite par jour sur sa fiche de paie soit environ 20 minutes par mois, ce qui représente 2 € ! Sur sa prime de fin d’année on lui a même retirée 34 centimes !

Ce comportement est tellement enfantin et mesquin qu’il porte à rire. Mais à y réfléchir de plus près, si on ne prend l’exemple que du petit Monoprix marseillais de la Canebière, cette bassesse reportée sur 99 salariés, au bout d’un an cela équivaut à 2376 € d’économie sur les salaires, sans compter les charges sociales en moins à payer. Et çà c’est la preuve d’une politique managériale ultralibérale.

Suivant la source Tustex, Monoprix a pour le 1er semestre 2010 augmenté ses profits de 39,45 % avec une masse de 7,8 MD ! Difficile de ne pas imaginer que c’est en partie sur le dos des salariées.

Depuis qu’elles et ils sont en grève, soit presque 3 semaines, la seule réponse directoriale a été : « arrêtez la grève, on négociera après ».

Mais que veulent-elles et que veulent-il ?

Juste un salaire décent. Pour 30 H/semaine elles ont un salaire net de 850 €. Seule, mère d’un ou plusieurs enfants, comment peuvent-elles vivre ? Elles demandent juste à travailler plus, avoir un temps plein de 35 H avec une augmentation raisonnable. Ils et elles désirent la révision des classifications. Le paiement des temps de pause pour toutes et tous. Suspension immédiate de toutes les discriminations et pressions.

En revanche, cette grève leur a apporté des moments de satisfaction, en particulier par le soutien des clientEs qui signent leur pétition, glissent un billet ou une pièce pour une collecte d’aide. Les commerçants du quartier leur offre des boissons et des restaurants leur porte à manger. Une solidarité s’est mise en place pour les grévistes. Pour elles et eux, c’est d’un grand réconfort. Comme m’a dit l’une d’elle « on nous comprend ».

Leur moral est au fixe justement par ce potentiel fort de solidarité. Et c’est palpable dans le quartier, cette grève est populaire. Elles sont prêtes à aller jusqu’au bout,. Assez de précarité, assez de pression et de discrimination. Les femmes ne sont pas des sous-salariéEs. C’est une prise de conscience très forte et motivante pour elles et eux.
Sur Marseille, les salariées d’un autre Monoprix sont en grève, celui de l’avenue du Prado. Pour le même combat.

Demain (12 octobre) est prévue une réunion avec les Directeurs. Iront-ils vers une ouverture et donc vers la fin de la grève ? On pourrait l’imaginer, car il existe bel et bien une porte de sortie égalitaire : il suffirait d’appliquer la convention collective nationale qui existe pour l’enseigne Monoprix. Actuellement, elle est laissé à l’application individuelle par chaque direction.

Nous suivre