Collectif national pour les droits des femmes

Violences

Le projet de loi Sarkozy et la prostitution

Encore plus de stigmatisation !

lundi 28 octobre 2002

Le projet de loi élaboré par le Ministère de l’intérieur et adopté en Conseil des ministres le 23 octobre 2002 est des plus contestables car il ne répond en rien aux besoins des personnes dans la prostitution. Au contraire il les pénalise, les réprime, et les enferme encore plus dans ce système d’oppression et d’exploitation.

Nous dénonçons la problématique de ce projet de loi :

- les mesures concernant la prostitution sont intégrées dans un chapitre sur " la tranquillité et la sécurité publique ”. Là n’est pas le problème, c’est le sort des personnes prostituées qui est une préoccupation majeure, c’est leur sécurité à elles qu’il faut assurer ! Manifestement il ne s’agit ici que de cacher l’existence du système prostitutionnel, pas de lutter contre.

- il est absurde d’imaginer que ces mesures vont aider ces personnes. Bien au contraire cela va les enfermer, les stigmatiser et les mettre en danger encore plus.

- les “ acheteurs ” ne sont poursuivis que lorsque les personnes qu’ils abusent dans le système prostitutionnel sont mineures (c’était déjà une disposition antérieure) ou dont “ la vulnérabilité due à une maladie, une infirmité, une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse est apparente ou connue de son auteur ” . Mais qu’en est-il de toutes les autres personnes réduites à l’esclavage, sous la coupe de proxénètes ? Nous voulons une responsabilisation des “ acheteurs ”, acteurs parmi d’autres et bénéficiaires du système d’exploitation que constitue la prostitution.

- ce projet de loi remet en cause le principe abolitionniste dont se prévaut la France, et qui n’était déjà pas réellement appliqué, étant donné que tout le volet des alternatives à la prostitution n’a jamais été mis en place.

Nous nous opposons à toute pénalisation des personnes prostituées :

- la répression vise les personnes prostituées, qui sont les victimes du système prostitutionnel, et seront donc doublement victimes. Déjà on assiste à du harcèlement policier, des amendes (par exemple à Paris des femmes ayant des préservatifs dans leur sac ont eu une amende de 1000 euros, à Toulouse des femmes ont vu leurs papiers d’identité ou titre de séjour déchirés…).

- nous nous opposons au principe de faire du racolage un délit.

- nous refusons que la “ tenue vestimentaire ” soit un facteur de pénalisation. Nous pouvons nous habiller comme nous voulons !

- nous nous opposons aux amendes, harcèlement, éloignement hors des villes, à tout cet arbitraire qui se développe aujourd’hui et va encore s’aggraver si ce projet de loi est voté.

- nous nous opposons aux mesures de reconduite à la frontière des personnes étrangères en situation de prostitution et exigeons qu’un titre de séjour leur soit remis même si elles ne peuvent ou ne veulent pas dénoncer les réseaux et les proxénètes, dès qu’elles contactent une association ou le service “ numéro vert ” dont nous demandons la mise en place le plus rapidement possible.

Nous exigeons :

- L’accès sans discrimination des personnes en situation de prostitution à tous les droits sociaux existants et l’élargissement de ces droits.

- Des politiques sociales de lutte contre la pauvreté, la précarité, le chômage, les exclusions, pour la formation, pour le droit au logement, l’augmentation des minima sociaux et contre toutes les discriminations.

- Des politiques d’envergure, fortes et durables de lutte contre les violences à l’encontre des jeunes filles et des femmes.

- Des politiques systématiques de formation des jeunes garçons dans l’Education Nationale et des politiques d’information et de sensibilisation en direction des hommes pour leur faire prendre conscience de ce qu’est le système prostitutionnel et faire en sorte qu’ils refusent d’en être complices et/ou acteurs.

- Une lutte efficace contre les proxénètes français ou étrangers et contre les réseaux de traite, y compris par une coopération internationale.

Un numéro vert d’aide aux personnes dans la prostitution
- service pris en charge par des associations et des travailleurs/ses sociaux/les, autonomes par rapport à l’État
- appel anonyme et gratuit
- des écoutantEs forméEs et qualifiéEs, pouvant parler en français et en plusieurs langues étrangères

Et pour répondre aux appels qui s’exprimeront sur cette ligne téléphonique ainsi qu’à ceux qui sont adressés aux associations ou éventuellement aux services de police,

• Il faut un plan d’urgence pour les personnes voulant se libérer du système prostitutionnel, qui leur assure une alternative viable

- hébergement immédiat et de longue durée, sécurisé si nécessaire et dans de bonnes conditions.

- formation de base qualifiante et diplômante , rémunérée et de longue durée

- droits sociaux, revenu minimum d’insertion complété par d’autres allocations autant que possible

- mesures en faveur de leurs enfants si elles en ont

- annulation des dettes fiscales et des amendes

- aide psychologique, médicale, juridique et autres si nécessaire

• De plus, pour les personnes étrangères :

- délivrance d’un titre de séjour aux personnes étrangères sans papiers, même si elles ne peuvent ou ne veulent dénoncer les réseaux et les proxénètes

- renouvellement garanti des titres de séjour de celles qui en ont ou en obtiendront

- si les personnes le souhaitent, contact avec le pays d’origine par le biais des consulats pour assurer la sécurité de leur famille si elle est l’objet de menaces et faire venir les enfants éventuellement

Non à la répression contre les personnes prostituées

Pour l’accès aux droits universels, contre toute discrimination

Le système prostitutionnel est un système d’oppression et d’exploitation.

C’est une violence

Pour une société sans prostitution.

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